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LE SCORPION LANGUEDOCIEN

lement dans ce tas de terreau. Tout laboratoire de physiologie a ses victimes attitrées, la Grenouille, le Cobaye, le Chien même. À mon rustique atelier, la larve de Cétoine suffit. J’ajoute l’humble ver à la noble série des patients qui, de leurs misères, nous font la science.

La saison avancée, déjà froide, n’a pas ralenti l’activité du Scorpion ; de son côté, le gros ver, dans la tiède moiteur des feuilles pourries, a conservé toute sa souplesse d’échine. L’un et l’autre sont parfaitement dispos. Je les mets en présence.

L’attaque n’est pas spontanée. La larve fuit obstinément, renversée sur le dos ; elle longe la paroi de l’enceinte. Le Scorpion, immobile, regarde faire ; il se range de côté et laisse libre passage lorsque la piste circulaire ramène la bête devers lui. Ce n’est pas une proie à sa convenance, encore moins un adversaire dangereux, et tuer pour la seule satisfaction de tuer est chez lui travers inconnu. Si je n’intervenais, la pacifique rencontre pourrait indéfiniment durer.

Je harcèle les deux, les ramène en contact, les excite d’un bout de paille, si bien que mes manœuvres ont tournure d’agression de la part du ver. Le pauvre culbuté ne songe certes pas à la bataille ; c’est un timide qui, dans le péril, s’enroule et plus ne bouge. Non au courant des perfidies de ma paille, le Scorpion rapporte à l’innocent voisin les tracas dont je suis seul la cause. Il brandit le dard, il pique. Le coup a bien porté, car la blessure saigne.

Sur la foi de ce que m’a montré la Cétoine adulte, je m’attends à des convulsions, préludes de la mort. Eh bien, qu’est donc ceci ? Laissé tranquille, le ver se déroule, décampe ; il chemine sur le dos ni plus vite ni