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Page:Fabre - Souvenirs entomologiques edition7 Serie 9.djvu/318

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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

Et c’est le superlatif du beau pour le Scorpion ! De ses pattes antérieures, plus délicates, plus agiles que les autres, doucement il tapote l’horrible masque, à ses yeux exquise frimousse ; voluptueusement il mordille, il chatouille de ses ganaches la bouche opposée, de hideur pareille. C’est superbe de tendresse et de naïveté. La Colombe a, dit-on, inventé le baiser. Je lui connais un précurseur : c’est le Scorpion.

Dulcinée se laisse faire, toute passive, non sans un secret désir de s’esquiver. Mais comment s’y prendre ? C’est très simple. De sa queue la Scorpionne fait trique et en assène un coup sur les poignets du trop chaleureux compagnon, qui à l’instant lâche prise. C’est la rupture. Demain la bouderie cessera et les affaires se reprendront.

25 mai. — Ce coup de trique nous enseigne que la docile compagne annoncée par les premières observations a ses caprices, ses refus obstinés, ses brusques divorces. Donnons-en un exemple.

De belle prestance l’un et l’autre, ce soir elle et lui sont en cours de promenade. Une tuile est trouvée, qui paraît convenir. Lâchant d’une pince, d’une seule, pour avoir quelque liberté d’action, le mâle travaille des pattes et de la queue à déblayer l’entrée. Il pénètre. Par degrés, à mesure que la demeure s’excave, la femelle suit, bénévole, dirait-on.

Bientôt, le logis et l’heure ne lui convenant peut-être pas, elle reparaît et sort à demi, à reculons. Elle lutte contre son entraîneur, qui, de son côté, lire devers lui sans se montrer encore. La contestation est vive, l’un s’escrimant à l’intérieur de la cabine et l’autre â l’extérieur. Tour à tour on avance, on recule, et le succès est