Aller au contenu

Page:Fabre - Souvenirs entomologiques edition7 Serie 9.djvu/325

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
319
LE SCORPION LANGUEDOCIEN

matrone sort, va au pauvret, le cueille du bout des pinces, le jugule d’un coup d’aiguillon, et puis tranquillement le mange.

Jouvenceaux et jouvencelles, qui plus tôt, qui plus tard, périssent de la même façon dans la cage vitrée. Je me fais scrupule de remplacer les occis ; ce serait fournir un nouvel aliment à la tuerie. Ils étaient une douzaine, et en peu de jours il ne m’en reste pas un seul. Sans l’excuse de la faim, car les vivres réguliers abondent, les femelles les ont tous dévorés. La jeunesse est certes une belle chose, mais elle a de terribles inconvénients dans la société de ces ogresses.

Volontiers je mettrais ces massacres sur le compte des envies bizarres que la gestation provoque en bien des cas. La prochaine maternité est soupçonneuse, intolérante ; pour elle, tout est l’ennemi, dont on se délivre en le mangeant, lorsque les forces le permettent. Et, en effet, la famille née et rapidement émancipée, vers le milieu du mois d’août, la paix règne, profonde, dans la ménagerie. Ma surveillance ne peut surprendre un seul cas de ces accès de cannibalisme si fréquents auparavant.

Les mâles, d’ailleurs, insoucieux de la sauvegarde familiale, ignorent ces tragiques frénésies. Ce sont des pacifiques, brusques de manières, mais enfin incapables d’éventrer le prochain. Entre eux jamais de bataille pour la possession de la convoitée. Ce n’est pas en des rixes mortelles et à coups de poignard que deux rivaux se la disputent. Les choses se passent, sinon en douceur, du moins sans horions.

Deux prétendants font rencontre de la même Scorpionne. Qui des deux l’invitera et la mènera faire un