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Page:Fabre - Souvenirs entomologiques edition7 Serie 9.djvu/329

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LE SCORPION LANGUEDOCIEN

propres à dire les béatitudes, les extases des Scorpions unis en couple par le bout des doigts. Restons muets sur ce qu’il nous est impossible de comprendre.

Vers les huit heures, l’animation étant déjà grande hors des cases, la femelle brusquement remue ; elle s’agite, fait effort et parvient à se dégager. Elle fuit, l’une des pinces ramenée devers elle, l’autre étendue. Pour rompre la fascinante chaîne, elle a si violemment tiré qu’elle s’est démis une épaule. Elle fuit, sondant la voie de la pince non compromise. Le mâle détale, lui aussi. Tout est fini pour ce soir.

Ces tournées à deux, en usage dans la soirée toute une saison, sont évidemment les prolégomènes d’affaires plus sérieuses. Les promeneurs s’interrogent, déploient leurs grâces, font valoir leurs mérites avant d’en venir aux conclusions. Quand donc arrive le moment définitif ? À le guetter ma patience s’épuise ; en vain je prolonge mes veillées, et je retourne des tessons, désireux de connaître enfin le rôle exact des peignes, rien ne répond à mes espérances.

C’est à des heures très avancées de la nuit que s’accomplit la finale des noces ; là-dessus, pour moi, aucun doute. Si j’avais quelque chance d’arriver au bon moment, je lutterais contre le sommeil jusqu’à l’aube ; mes vieilles paupières sont encore capables de le faire lorsqu’il s’agit d’acquérir une idée. Mais combien aléatoire serait ma persévérance !

Je le sais très bien, l’ayant vu et revu à satiété : dans l’immense majorité des cas, on retrouve, le lendemain matin, sous la tuile, le couple en posture d’équipage tel qu’il l’était la veille au soir. Pour réussir, il faudrait bouleverser les habitudes de la vie, faire le guet toutes