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Page:Fabre - Souvenirs entomologiques edition7 Serie 9.djvu/336

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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

que mon illustre visiteur parut ne pas comprendre. Un microbe lui échappait, et des plus terribles : celui de la mauvaise fortune étranglant le bon vouloir.

Malgré la malencontreuse intervention de la cave, je n’en suis pas moins frappé de sa sereine assurance. Il ne sait rien de la transformation des insectes ; pour la première fois il vient de voir un cocon et d’apprendre que dans ce cocon il y a quelque chose, ébauche du papillon futur ; il ignore ce que sait le moindre écolier de nos campagnes méridionales ; et ce novice, dont les naïves demandes me surprennent tant, va révolutionner l’hygiène des magnaneries ; il révolutionnera de même la médecine et l’hygiène générale.

Son arme est l’idée, insoucieuse des détails et planant sur l’ensemble. Que lui importent métamorphoses, larves, nymphes, cocons, pupes, chrysalides, et les mille petits secrets de l’entomologie ! En son problème, peut-être, convient-il d’ignorer tout cela. Les idées conservent mieux leur indépendance et leur audacieuse envolée ; les mouvements seront plus libres, affranchis des lisières du connu.

Encouragé par le magnifique exemple des cocons sonnant aux oreilles étonnées de Pasteur, je me suis fait une loi d’adopter la méthode ignorante dans mes recherches sur les instincts. Je lis très peu. Au lieu de feuilleter des livres, dispendieux moyen qui n’est pas à ma portée, au lieu de consulter autrui, je me mets en opiniâtre tête-à-tête avec mon sujet jusqu’à ce que je parvienne à le faire parler. Je ne sais rien. Tant mieux, mes interrogations ne seront que plus libres, aujourd’hui dans un sens, demain dans le sens opposé, suivant les éclaircies obtenues. Et si, par hasard, j’ouvre un livre, j’ai le