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Page:Fabre - Souvenirs entomologiques edition7 Serie 9.djvu/351

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LA DORTHÉSIE

n’y couve pas ses œufs, dépourvue qu’elle est de calorifère ; elle n’y abecque pas ses petits, qui d’ailleurs n’en ont pas besoin ; son rôle n’en est pas moins d’exquise tendresse. Sept à huit mois durant, elle surveille sa nitée, elle la protège avec une dévotion comparable ou même supérieure à celle de l’oiseau.

La maternité, souveraine inspiratrice des plus beaux instincts, a mille et mille chefs-d’œuvre en témoignage de son industrie. Rappelons le plus récent parmi ceux que l’occasion nous a permis de soumettre au lecteur, celui de l’Araignée labyrinthe. N’est-ce pas ouvrage admirable que ce spacieux corps de logis où la mère moule la garde autour du tabernacle étoilé, berceau de la famille ? N’est-ce pas forteresse de haute logique que ce rempart de pisé intercalé dans les soieries pour protéger les œufs contre la sonde de l’Ichneumon ?

Chaque mère a pareillement ses moyens défensifs, tantôt combinaisons ingénieuses, tantôt procédés d’extrême simplicité. L’étrange est que la répartition des talents ne tient aucun compte de la hiérarchie. Tels insectes placés aux premiers rangs, cuirassés de riches élytres, empanachés de hauts plumets, parés de costumes où s’imbriquent des écailles d’or, ne savent rien faire ou à peu près ; ce sont de somptueux ineptes. Tels autres, des plus modestes et passant inaperçus, nous émerveillent de leurs talents si nous leur accordons attention.

N’est-ce pas ainsi que les choses se passent chez nous ? Le vrai mérite fuit le luxe insolent. Pour mettre en valeur le peu que nous pouvons avoir de bon dans les veines, il faut l’aiguillon du besoin. Il y a dix-neuf siècles, en tête de ses satires, Perse disait déjà :