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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

buvette, eux aussi, et sont dès lors achalandés comme les gros.

Sur l’arbre, en pleine liberté des champs, l’assiduité des Fourmis, cueillant le sirop à mesure qu’il suinte, ne permet guère d’évaluer la richesse de la source. Le rond tonnelet, incessamment mis à sec, donne à peine signe de mouillure autour de sa bonde. Il faut l’isolement d’un rameau, loin des buveurs, pour bien juger de l’ampoule à nectar. Alors, en l’absence des Fourmis, on voit la liqueur s’amasser assez vite en une goutte surprenante de volume. L’humeur extravasée dépasse la capacité du vase, et l’écoulement continue, aussi nourri que jamais. La fabrique de sirop est en permanence ; quand il n’y en a plus, il y en a encore.

Les Fourmis pratiquent l’élevage des Pucerons, leurs bêtes à lait. Quelles vacheries ne feraient-elles pas, de produit incomparablement rémunérateur, si le Kermès de l’yeuse permettait l’éducation en parc ! Mais il est isolé, peu nombreux d’ailleurs et de déménagement impraticable. Enlevé de sa station, il périt, impuissant à se fixer autre part. Les Fourmis l’exploitent donc tel quel, sans la moindre tentative d’en faire troupeau dans ug chalet de feuillage. Leur industrie, sagement, recule devant l’impossible.

Dans quel but ce nectar, si copieux et si bien apprécié des connaisseurs ? Coulerait-il à l’intention des Fourmis ? Pourquoi pas, après tout. Du fait de leur nombre et de leur activité d’amasseuses, elles remplissent un rôle de haute portée dans le pique-nique général des vivants. Pour prix de leurs services, leur ont été octroyés le pis corniculaire du Puceron et la fontaine du Kermès.