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Page:Fabre - Souvenirs entomologiques edition7 Serie 9.djvu/46

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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

songe à s’en aller. Il faut aux parlants les caresses du soleil, qui donnent animation et vigueur.

Enfin toute la famille a disparu, transportée au loin par les véhicules funiculaires. La mère est seule. La privation de ses fils ne semble guère la chagriner. Elle a le coloris et l’embonpoint habituels, signe que les fatigues maternelles ne lui ont pas été trop lourdes.

Je lui reconnais aussi plus de ferveur à la chasse. Chargée de sa famille, elle était d’une remarquable sobriété, n’acceptant qu’avec beaucoup de réserve le gibier mis à sa disposition. Le froid de la saison s’opposait peut-être aux copieuses réfections ; peut-être aussi le faix des petits gênait ses mouvements et la rendait plus réservée dans l’attaque de la proie.

Aujourd’hui, ragaillardie par le beau temps et libre d’allures, elle accourt du fond de son repaire toutes les fois que je fais bruire une pièce de son goût à l’entrée du terrier ; elle vient prendre au bout de mes doigts le savoureux Criquet, la corpulente Anoxie, et cela se répète chaque jour si mes soins en ont le loisir. Après la sobriété hiémale, le temps est venu des plantureuses ripailles.

Cet appétit nous apprend que la bête n’est pas près de mourir ; on ne festoie pas de la sorte avec un estomac défaillant. Mes pensionnaires entrent, en pleine vigueur, dans leur quatrième année. L’hiver, aux champs, je trouvais portant leurs petits des mères de grande taille et d’autres presque de moitié moindres. L’ensemble représentait donc une triple filiation. Et maintenant voici que, dans mes terrines, après le départ de la famille, les vieilles matrones persistent, aussi robustes que jamais. Toutes les apparences le disent :