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LA LYCOSE DE NARBONNE

Les événements attendus ne tardent guère. Dans la première quinzaine de mai, un peu plus tôt pour l’une, un peu plus tard pour l’autre, les deux familles, gratifiées d’un bambou d’ascension, émergent de leurs sacoches. La sortie n’a rien de remarquable. L’enceinte à traverser est un lacis très lâche où s’insinuent les sortants, débiles bestioles d’un jaune orangé avec tache noire triangulaire sur le croupion. Une matinée suffit à l’apparition de toute la famille.

À mesure, les libérés grimpent aux ramuscules voisins, les escaladent et y tendent quelques fils. Bientôt ils se rassemblent en un groupe serré, de forme globuleuse et de la grosseur d’une noix. Ils s’y tiennent immobiles. La tête plongée dans l’amas, l’arrière au dehors, doucement ils somnolent, ils se mûrissent aux caresses du soleil. Riches d’un fil dans le ventre pour tout avoir, ils se préparent à la dispersion dans le vaste monde.

Du choc d’une paille, provoquons un émoi dans l’assemblée pilulaire. À l’instant tous s’éveillent. Le groupe mollement se dilate, se diffuse, comme mis en branle par une impulsion centrifuge ; il devient un orbe transparent où mille et mille petites pattes se trémoussent, tandis que des fils sont tendus sur le trajet. De l’ensemble du travail résulte un voile subtil qui englobe la famille étalée. C’est alors une gracieuse nébuleuse où, sur le fond opalescent de la tenture, les animalcules brillent en points stellaires orangés.

Cet état de dispersion, bien que durant de longues heures, n’est que temporaire. Si l’air fraîchit, si la pluie menace, le groupe globulaire promptement se reforme. C’est là moyen de protection. Le lendemain d’une