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LA LYCOSE DE NARBONNE

environnants, celui surtout que jai planté au milieu de la cour. Des ponts sont impossibles, car les fils livrés à l’air ne sont pas assez longs. Pressés de s’en aller, les acrobates montent donc toujours, jamais ne redescendent, invités à chercher dans une station supérieure ce qu’ils n’ont pas obtenu dans la station d’en bas. La cime de mes deux bambous n’est probablement pas la limite de ce que mes fervents grimpeurs sont capables d’atteindre.

Nous allons voir tout à l’heure le but de cette propension à monter, instinct bien remarquable déjà chez les Épeires, qui, pour domaine, ont les médiocres broussailles où se tendent leurs filets ; instinct plus singulier encore chez la Lycose, qui, hors du moment où se quitte l’échine maternelle, n’abandonne jamais le sol, et se montre dès ses premières heures aussi passionnée des hauteurs que le sont les jeunes Épeires.

Considérons en particulier la Lycose. En elle, au moment de l’exode, un instinct soudain surgit, qui disparaît sans retour, avec la même promptitude, quelques heures après. C’est l’instinct de l’escalade, inconnu de l’adulte et bientôt oublié de la jeune émancipée destinée à vagabonder longtemps à terre, sans domicile.

Ni l’une ni l’autre ne s’avise de monter à la cime d’un gramen. L’adulte chasse à l’affùt, s’embusque dans sa tour ; la jeune chasse à courre à travers les maigres gazons. Dans les deux cas, pas de filet, et de la sorte nul besoin de points d’attache élevés. Quitter le sol et gravir les hauteurs leur est interdit.

Or, voici que la petite Lycose, désireuse de s’en aller du manoir maternel et de voyager au loin par les moyens les moins pénibles et les plus rapides, devient