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Page:Fabre - Souvenirs entomologiques edition7 Serie 9.djvu/80

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SOUVENIRS ENTOMOLOGIQUES

d’amour maternel serait ici déplacé : c’est l’impulsion fougueuse, presque machinale, d’où la réelle tendresse est exclue. L’élégante Araignée des Cistes n’est pas mieux douée. Transportée de son nid sur un autre de même espèce, elle s’y établit et plus n’en bouge, bien que l’enceinte des feuilles arrangées dans un ordre différent soit de nature à l’avertir qu’elle n’est pas réellement chez elle. Pourvu qu’elle ait du satin sous les pattes, elle ne s’aperçoit pas de sa méprise ; elle surveille le nid d’une autre avec la même vigilance qu’elle aurait surveillé le sien.

En fait d’aveuglement maternel, la Lycose va plus loin. Elle se colle aux filières et trimbale, en guise de sac aux œufs, la bille de liège ouvrage de ma lime, la boulette de papier, la pelote de fil. Pour savoir si le Thomise peut commettre erreur analogue, j’ai disposé en conoïde clos des fragments de cocon de ver à soie, fragments que je retournais de façon à présenter au dehors la face intérieure plus fine et plus unie. Ma tentative n’a pas eu de succès. Délogée de chez elle et transportée sur la sacoche artificielle, la mère Thomise a refusé obstinément de s’y établir. Serait-elle plus clairvoyante que la Lycose ? Peut-être bien. Ne l’en louons pas trop : l’imitation du nid était des plus grossières.

À la fin de mai sont terminés les travaux de la ponte. Alors, couchée à plat sur le plafond de son nid, la mère ne sort plus de son corps de garde, ni de nuit ni de jour. La voyant si maigre, si ridée, je me figure lui être agréable en l’approvisionnant d’Abeilles, comme je le faisais auparavant.

J’ai mal jugé de ses besoins. L’Abeille, sa passion