Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/104

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de la vie. » Donc la vie est un mal. Le pessimisme final, le pessimisme d’aboutissement que contient la doctrine de Socrate, oui, vraiment Socrate l’a aperçu et il l’a magnifiquement exprimé dans sa dernière parole, la plus pessimiste assurément qui ait jamais été dite.

Quoi qu’il en soit, l’homme théorique, par opposition à l’homme d’instinct, à l’homme de création, et à l’homme qui fait aimer la vie, à l’artiste, est institué et intronisé. Il apprendra, il raisonnera, il saura, il fera des théories. Tout cela est très vain. La science peut remplir sa force ; mais elle est radicalement et ridiculement impuissante à remplir son dessein. Que se propose-t-elle ? Connaître, c’est entendu. Bien. Qu’est-ce que connaître ? C’est constater de quelle manière tout ce qui est en nous perçoit ce qui n’est pas nous. C’est donc, non pas connaître, mais nous connaître ; c’est expérimenter nos facultés dans leur exercice ; exactement rien de plus. C’est constater comment nous voyons, comment nous sentons, comment nous pensons, comment nous mesurons, comment nous raisonnons. Rien de plus. Jusqu’à présent nous ne sommes pas sortis de nous. Nous nous connaissons mieux et voilà tout.

— Mais en expérimentant nos facultés nous les affinons !