Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/119

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avez sur ce corps une illusion ; et s’il était doué d’intelligence et qu’il eût sur lui-même cette même illusion, je lui dirais qu’il est un fou. »

La morale, considérée en ce qu’elle est en son fond, une loi particulière à l’homme, à laquelle n’obéit pas l’univers et qui est contraire à celles auxquelles l’univers obéit, n’est qu’une folie, une illusion et n’est pas vraie.

Les hommes l’ont parfaitement senti ; car, trouvant, malgré tout, trop monstrueux le paradoxe de ce tout petit homme contre tout l’immense univers, ils ont inventé, pour faire contrepoids, un autre univers qui fût avec l’homme et dans le même plateau de la balance que l’homme. Ils ont inventé le monde divin. Il y a l’univers, absolument immoral, oui ; mais il y a Dieu moral, comme l’homme ; juste, comme l’homme ; conservateur et vengeur de la morale et de la justice et qui rétablit tout à un moment donné et en un lieu donné selon la justice et la morale Dès lors, contrepoids : d’un côté l’univers, de l’autre côté l’homme et Dieu, et, même si l’homme n’est rien. Dieu étant infini, c’est l’univers qui, par comparaison à Dieu et à l’homme ensemble, devient quantité négligeable et un pur rien. Et, dès lors, la morale ayant pour elle un point de ce qui est dans la nature, et, de plus, tout le surnaturel, se moque bien de ce que