Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/124

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parce qu’il te semble être ta condition d’existence ; car ton droit à l’existence te paraît irréfutable. »

Peut-être encore « la fermeté de ton jugement moral pourrait bien être une preuve de pauvreté personnelle, d’un manque d’individualité ; et ta force morale pourrait avoir sa source dans ton entêtement ou dans ton incapacité de percevoir un idéal nouveau. En un mot, si tu avais pensé d’une façon plus déliée, mieux observé et appris davantage, à aucune condition tu n’appellerais plus devoir et conscience ce devoir et cette conscience que tu crois qui te sont personnels ; ta religion serait éclairée sur la façon dont se sont toujours formés les jugements moraux ». — Ils se forment de mille façons différentes. Il est étrange que l’on n’analyse point « l’impératif catégorique » comme tout autre phénomène de conscience ; mais aussi c’est que, celui-là, on ne veut pas l’analyser, on ne tient pas à l’analyser et l’on a d’assez bonnes raisons pour cela. Ne veulent pas analyser l’impératif catégorique ceux qui veulent agir énergiquement et qui ont besoin d’obéir sans discuter à quelque chose de très haut qui commande sans raisonner. Ils ont besoin de l’absolu comme un homme d’action a besoin de l’absolutisme : « Tous les hommes qui sentent qu’il leur faut les paroles et les intonations les plus violentes, les