Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/144

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parce que l’on est né capitaliste de bons instincts et de conditions prospères… Vient-on au monde pauvre, né de parents qui en toutes choses n’ont fait que gaspiller et n’ont rien récolté, on est « incorrigible », je veux dire mûr pour le bagne ou la maison d’aliénés. Nous ne pouvons plus imaginer aujourd’hui la dégénérescence morale séparée de la dégénérescence physiologique : la première n’est qu’un ensemble de symptômes de la seconde ; on est nécessairement mauvais comme on est nécessairement malade. Mauvais : le mot exprime ici certaines incapacités qui sont physiologiquement liées au type de la dégénérescence, par exemple la faiblesse de la volonté, l’incertitude et même la multiplicité de la personne, l’impuissance à supprimer la réaction à une excitation quelconque et à se dominer [impulsifs], l’incapacité de résister à toute espèce de suggestion d’une volonté étrangère. Le vice n’est pas une cause ; le vice est une conséquence. Le mot vice sert à résumer dans une définition arbitraire certaines conséquences de la dégénérescence physiologique. Une proposition générale comme celle qu’enseigne le christianisme : « l’homme est mauvais » serait justifiée si l’on pouvait admettre que le type du dégénéré fût considéré comme le type normal de l’homme. Mais c’est là peut-être une exagération. »