Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/153

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rir. Et nous finirons par en avoir le dégoût ». Oui. « on a maintenant honte du repos, remords de la méditation… on vit comme quelqu’un qui craindrait sans cesse de laisser échapper quelque chose. Plutôt faire n’importe quoi que de ne rien faire. C’est un principe. Ce principe est une ficelle pour donner le coup de grâce à tout goût supérieur… On en viendra bientôt à ne plus céder à un penchant vers la vie contemplative, à ne plus se promener accompagné de pensées et d’amis sans mépris de soi et mauvaise conscience… » — Voilà un des beaux résultats, un des derniers en date, de la morale.

Quand elle ne pousse pas à une fureur d’activité qui est une dégradation de labelle nature humaine, la morale conduit à d’autres genres d’abaissements ; elle conduit, et c’est le plus souvent, à une sorte de médiocrité dans le bien et dans le mal, à une sorte de lâche tempérament, à cette modération en toutes choses dont les anciens déjà, mais non pas certes les anciens de l’époque héroïque, faisaient une vertu et qui est quelque chose de gris, de terne, de laid et de répugnant. Cette morale de petits bourgeois, et notez que c’est la vraie, que ses conseils sont encore ce que la morale a trouvé de meilleur, de plus raisonnable selon sa raison et de plus logiquement conforme à elle-même, cette