Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/226

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plus fine, jusqu’à quel point cela lui a réussi en Europe, au degré d’étrangeté que l’antiquité grecque — un monde dépourvu du sentiment du péché — garde toujours pour notre sensibilité, malgré toute la bonne volonté de rapprochement et d’assimilation dont des générations entières et beaucoup d’individus n’ont pas manqué. « Ce n’est que si tu te repens que Dieu sera miséricordieux pour toi. » De telles paroles provoqueraient chez un Grec de l’hilarité et de la colère. Il s’écrierait : « Voilà des sentiments d’esclaves ! » Ici, (chez l’hébreu), on admet un Dieu puissant, d’une puissance suprême, et pourtant un Dieu vengeur, vindicatif. Sa puissance est si grande qu’on ne peut en général lui causer aucun dommage, sauf pour ce qui est de l’honneur. Tout péché est un manque de respect envers lui, un crimen læsæ majestatis divinæ et il n’est rien de plus. Contrition, déshonneur, humiliation, voilà les premières et les dernières conditions à quoi est attachée sa grâce. Donc, ce qu’il demande, c’est le rétablissement de son honneur divin ; c’est réparation à son honneur divin. Que si, d’autre part, le péché cause un dommage, s’il entraine après lui un désastre profond et grandissant qui saisit et étouffe un homme après l’autre, cela préoccupe peu cet oriental avide d’honneurs qui trône là-haut, dans le ciel. Le