Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/240

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et toutes les idées, aristocratisme, esclavage, virilisme, goût du fort et du beau, sur lesquels reposait l’antiquité et qui avaient fait toute sa vertu et toute sa force.

Et enfin la Révolution française, qui n’est qu’un incident, mais un incident considérable de l’histoire du plébéianisme, fut une explosion de cet esprit plébéien, égalitaire, optimiste et moral. La Révolution française tient tout entière, comme on sait, dans ces deux mots : égalité, souveraineté nationale. Le reste était si peu dans son esprit vrai qu’il a été caduc dès le premier jour, vite abandonné et n’a jamais été repris sérieusement que par les ennemis de la Révolution française et ceux qu’elle lésait. L’égalité et la souveraineté nationale ne sont pas autre chose que le plébéianisme tout pur, sans mélange, sans alliage et sans conciliation possible avec ce qui n’est pas lui. Car remarquez bien que si l’égalité est destructrice de la liberté, ce qu’on a cent fois prouvé et ce que les faits ont prouvé, prouvent et prouveront mieux que tous les raisonnements, la souveraineté nationale détruit elle-même l’égalité, détruit légalité elle-même. Assurément ; car si la loi est ce que pense la majorité, si c’est la pluralité qui gouverne, sans aucun correctif, que se passe-t-il ? Ceci : l’espèce supérieure, l’élite, les êtres d’exception