Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/242

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cette morale plébéienne que nous avons suivie jusqu’ici, attentivement, dans son évolution. Ici, et cela est intéressant à considérer, Rousseau, Kant et Robespierre se donnent la main, Rousseau le type même du moraliste plébéien, avec ses effusions sentimentales, son pathos moralisant de pasteur calviniste, son goût de la vie médiocre, pacifique et idyllique, son gemüth, sa haine contre les arts et les lettres ; Kant avec sa belle intelligence philosophique ; mais qui fut toujours comme hypnotisée par la vision du bel édifice moral à construire sur des bases inébranlables ; Robespierre avec son âme de prêtre plébéien, étroit, autoritaire et fanatique : « Tous les philosophes ont construit leurs monuments sous la séduction de la morale, Kant comme les autres [plus que les autres] ; leur intention ne se portait qu’en apparence sur la certitude, sur la vérité, sur la connaissance, mais elle se portait en réalité sur le majestueux édifice de la morale, pour nous servir encore une fois de l’innocent langage de Kant, qui considérait comme sa tâche et son travail, comme une tâche « moins brillante, mais qui n’est pas sans mérite », « d’aplanir et de rendre solide le terrain où s’édifierait ce majestueux édifice moral. » — Hélas ! il n’y a pas réussi, tout au contraire, il faut le dire aujourd’hui. Avec des intentions de ce genre, Kant