Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/244

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— Mais cette pensée de détruire l’élite, de supprimer l’exception est un rêve, c’est une idée très chimérique. L’exception, qui est naturelle, se produira toujours ; l’être d’élite, qui est un produit de la nature, naîtra toujours.

— Sans aucun doute ; mais d’abord ce n’est pas tout à fait vrai ; car le plébéianisme, empêchant l’espèce supérieure de s’affiner et de se fortifier par l’hérédité, la diminue en nombre ; d’autre part, empêchant l’espèce supérieure de se développer par une instruction et une culture particulières, et la réduisant soigneusement à l’instruction rudimentaire que l’on peut donner à tout le monde, la diminue encore en nombre ; le plébéianisme réduit l’espèce supérieure à son minimum ; il la ramène à n’être composée que des individus qui naissent très distingués et tout à fait exceptionnels, et dont rien ne peut arrêter la force d’ascension. De plus, le plébéianisme diminue encore l’espèce supérieure en la décourageant. Quel avantage, le plébéianisme régnant, a un homme né supérieur à cultiver, à développer ou seulement à laisser voir sa supériorité ? Il n’a intérêt qu’à la cacher. À la montrer il se rendrait suspect. À la montrer il se dénoncerait. À la montrer il se proclamerait candidat paria et ne tarderait pas à être classé paria en effet. À quoi bon avoir du mérite, en régime