Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/292

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après délibération et considération du sujet ; mais la faire par volonté, avec une joie héroïque provenant de la conscience que l’on a de cette volonté souveraine. 3° Décision non accompagnée de plaisir : faire la même chose après délibération et considération du danger, et la faire par volonté, mais sans éprouver un plaisir qui est à la fois impulsion, lui aussi, et récompense. Ce troisième degré est le plus haut. C’est à celui-ci qu’il faut parvenir et c’est ce qu’on appelle changer la façon de voir et même la façon de sentir.

« On cède à un sentiment généreux, mettant sa vie en péril sous une impulsion momentanée. Ceci est de peu de valeur et ne représente pas même un acte caractéristique. Dans leur capacité d’agir ainsi, tous les hommes sont égaux, et quant à la décision qui y est nécessaire, le criminel, le bandit, le Corse surpassent certainement un honnête homme. Le degré supérieur serait atteint si l’on surmontait en soi-même cette poussée, pour ne point exécuter l’acte héroïque à la suite d’impulsions, mais froidement, d’une façon raisonnable, sans qu’il y ait un débordement tempétueux de sentiments de plaisir. Il en est de même de la compassion : il faudrait habituellement la passer tout d’abord au crible de la raison. Autrement elle serait aussi dangereuse que tout autre sentiment.