Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/299

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une forme exagérée et paradoxale pour attirer l’attention, quitte ensuite à la ramener au point ; mais un malade plein de force active et de surabondance, et qui, sans critique, crée et donne la beauté dans une forme précise, juste et saine. L’artiste est exceptionnel et dans un état particulier qu’on peut appeler maladie de surexcitation : « Ce sont des conditions exceptionnelles qui créent l’artiste, à savoir tous les états intimement liés aux phénomènes maladifs, de sorte qu’il ne semble pas possible d’être artiste sans être malade. Ces états physiologiques chez l’artiste deviennent presque une seconde personne. Ce sont 1o l’ivresse ; l’augmentation du sentiment de puissance et la nécessité intérieure de faire des choses un reflet de sa plénitude et de sa propre perfection ; — 2o l’extrême acuité de certains sens… un besoin de se débarrasser en quelque sorte de soi-même par des signes et des attitudes, un état explosif. Il faut imaginer d’abord cet état comme un désir excessif qui nous pousse à nous débarrasser par un travail musculaire et une mobilité de toutes sortes de cette exubérance de tension extérieure ; puis comme une coordination involontaire de ce mouvement avec les phénomènes intérieurs (les images, les pensées, les désirs) ; — 3° l’imitation forcée : une extrême instabilité qui pousse d’une façon contagieuse à communiquer une image donnée…,