Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/307

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ni de l’intérêt qu’on lui a porté et moins encore des emprunts qu’on rivalisait à lui faire. Que l’on se renseigne donc aujourd’hui sur Schiller, Guillaume de Humboldt, Schleiermacher, Hegel, Schelling, etc. ; qu’on lise leur correspondance et qu’on se fasse introduire dans le grand cercle de leurs adhérents : qu’est-ce qui leur est commun, qu’est-ce qui, chez eux, nous impressionne, tels que nous sommes maintenant, tantôt d’une façon si insupportable, tantôt d’une façon si touchante et si pitoyable ? D’une part, la rage de paraître, à tout prix, moralement ému ; d’autre part, le désir d’une universalité brillante et sans consistance, ainsi que l’intention arrêtée de voir tout en beau (les caractères, les passions, les époques, les mœurs). Malheureusement ce beau répondait à un mauvais goût vague qui néanmoins se vantait d’être de provenance grecque. C’est un idéalisme doux, bonasse, avec des reflets argentés, qui veut avant tout avoir des attitudes et des accents noblement travestis, quelque chose de prétentieux autant qu’inoffensif, animé d’une cordiale aversion contre la réalité « froide » ou « sèche »… mais surtout contre la connaissance de la nature, pour peu qu’elle ne puisse pas servir à un symbolisme religieux. Gœthe assistait à sa façon à ces agitations de la culture allemande, se plaçant en dehors, résistant douce-