Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/321

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trop près, trop définis, trop lourds, trop peu rêve et vol d’oiseau, » — Ceci est absolument juste à mon avis, et explique que les littératures, je ne dirai point finissent par le théâtre, mais ont comme leur point culminant dans le théâtre. D’abord il y a l’épopée, qui donne satisfaction à une imagination populaire, encore vive et forte, laquelle collabore avec le poète et a la vision nette et puissante de ce qu’il lui conte. — Ensuite vient le théâtre, où la foule, moins imaginative, est plus passive et n’a plus besoin de collaborer et n’est pas choquée de la grossière matérialisation de ses rêves. — Enfin le théâtre lui-même décline, devient plus matériel encore, exhibition, musée, exposition de magasin de meubles et tentures ; et la littérature se porte ailleurs, mais n’est plus elle-même que récréation d’élite et de dilettantes, et la littérature populaire tout simplement n’existe plus.

Pour ce qui est de la moralité ou de l’amoralité du théâtre, Nietzsche est persuadé que les grands dramatistes n’ont aucun souci de la moralité et ne songent qu’à peindre la vie, et que c’est nous, peuple ou public bourgeois, avec notre tendance incoercible à vouloir que la morale envahisse tout et que tout art se ramène à affirmer la morale et à y tendre comme à sa dernière fin, qui introduisons un caractère moral et une signification morale dans les