Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/326

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comme Corneille commenté par La Rochefoucauld :

« La générosité et ce qui lui ressemble : Les phénomènes paradoxaux, tels que la froideur soudaine dans l’attitude d’un homme sentimental, tels que l’humour mélancolique, tels que, avant tout, la générosité, en tant que renoncement soudain à la vengeance ou à la satisfaction de l’envie, se présentent chez les hommes qui possèdent une grande force centrifuge, chez les hommes qui sont pris d’une soudaine satiété et d’un dégoût subit. Leurs satisfactions sont si rapides et si violentes qu’elles sont immédiatement suivies d’antipathie, de répugnance et de fuite dans le goût opposé. Dans ces contrastes se résolvent les crises de sentiment, chez l’un par une froideur subite, chez l’autre par un accès d’hilarité, chez un troisième par les larmes et le sacrifice de soi. L’homme généreux — du moins l’espèce d’hommes généreux qui a toujours fait le plus d’impression — me parait être l’homme d’une extrême soif de vengeance, qui voit, tout proche de lui la possibilité d’un assouvissement et qui, vidant la coupe jusqu’à la dernière goutte, se satisfait déjà en imagination, de sorte qu’un rapide et énorme dégoût suit cette débauche[1]. Alors il s’élève au-dessus de lui-même, comme on

  1. Cinna, V, 1.