Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/354

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discussion, mais très discutables aussi. Son aristocratisme effréné, non plus que celui de Renan, ne me désoblige pas autrement. Comme lui, comme Renan, comme Platon et comme tant d’autres, je crois parfaitement que tout ce qui a été fait de grand et même de bon dans l’humanité l’a été par l’aristocratie. Seulement je crois que la question a été bien mal posée par Nietzsche et aussi par quelques autres ; mais bornons-nous à lui.

Nietzsche entend l’aristocratie ainsi : il y a une caste, cultivée, héréditairement énergique et, du reste, qui a cultivé et qui cultive encore en elle l’énergie. Elle conçoit et elle exécute par elle-même de très belles choses ; elle conçoit et elle exécute par elle-même, et en contraignant la caste basse à l’y aider, de grandes choses : conquêtes, explorations, fondations de colonies, fondations de villes, fondations d’empire, etc. — Au-dessous d’elle, il y a une caste vile, qui n’aime ni la vie artistique ni la vie dangereuse et qu’on laisse ne rien comprendre à l’art ou avoir à soi un art piteux et ridicule, et qu’on laisse ne rien comprendre à la vie dangereuse, mais qu’on associe à cette vie par la force. Des sociétés ont vécu ainsi et ont été les plus grandes de l’humanité et ont fait avancer l’humanité : Athènes, Grèce d’Alexandre, Rome, France de Louis XIV. Voilà les modèles.