Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/356

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acceptait d’être serve de n’importe qui ; elle acceptait de ne plus tirer de son sein un gouvernement de sa race et de sa tradition ; elle cessait d’être aristocrate et productrice d’aristocratie. Voilà tout ce qu’elle cessait d’être.

Le raisonnement ou plutôt la constatation des faits serait exactement la même pour Rome. La plèbe romaine discutait et disputait avec son aristocratie, sans aucun doute ; mais jusqu’à l’établissement de l’Empire, elle lui restait attachée, puisqu’elle ne la renversait pas, ce qui pour une plèbe est si facile qu’il consiste simplement à ne pas soutenir. La plèbe restait attachée à l’aristocratie et à toutes les conceptions aristocratiques, à tous les rêves de conquêtes et de grandeur, à toute la vie dangereuse de son aristocratie. Comme les grenadiers de Napoléon, « ils grognaient sans cesse, mais ils marchaient toujours » pour un grand profit national, pour un profit personnel nul, ou à peu près, ce qui est aristocratique essentiellement. — Quand ils ont accepté l’Empire, quand ils ont abandonné le Sénat, c’est que le sentiment aristocratique a fléchi chez eux ; c’est qu’il leur est devenu indifférent d’être gouvernés, non plus par une aristocratie sortie d’eux, jaillie du sol, se rattachant aux vieilles racines de la race, représentant l’ascension lente et régulière du meilleur de