Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/360

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national. De là tendance énergique à se ramasser fortement autour des chefs désignés, soit par la naissance, qui n’est pas du tout le hasard, soit par l’élection à instinct aristocratique, c’est-à-dire allant toujours chercher les chefs dans la classe élevée (Rome très longtemps fort remarquable à cet égard). Quand le sentiment aristocratique fléchit, le patriotisme fléchit aussi ; ou plutôt c’est parce que le patriotisme a fléchi que le sentiment aristocratique va baissant ; ou plutôt ces deux tendances, formes différentes du même sentiment, vont toujours de pair et ont sensiblement les mêmes démarches.

Exemple contre moi : l’ardent patriotisme des « patriotes » de 1792, qui étaient d’ardents égalitaires. Réfléchissez et vous verrez ceci, qu’en dehors d’une raison de fait qui est que ces gens-là voulaient repousser « les rois » suspects de vouloir leur ramener des maîtres dont ils tenaient à rester débarrassés, il y a une raison de sentiment, qui est que les patriotes de 1792 prétendaient remplacer les maîtres qu’ils chassaient, prétendaient prouver et se prouver à eux-mêmes qu’ils sauraient faire l’office de maîtres et le faire mieux qu’eux, prétendaient montrer d’une façon éclatante que le peuple de France savait tirer spontanément de lui-même une hiérarchie valant celle qu’il avait détruite.