Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/362

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distinction rigide et stricte entre ceux d’en haut et ceux d’en bas. Ainsi s’évanouit le système aristocratique de Nietzsche. Pour emprunter un de ses procédés et imiter, pour une fois, sa démarche ordinaire, je dirai : Effarons les mots d’Aristocratie et de Démocratie ; par delà l’aristocratie et la démocratie il y a autre chose qui est, si l’on veut, la Sociocratie. Il y a des peuples qui ont, très fort, l’instinct social. Chez ces peuples l’individualisme est très faible, l’égoïsme individuel très enclin à se sacrifier, réduit à une sorte de minimum ; le citoyen aime à faire de grandes choses communes, de grandes choses par association. Selon les tempéraments éthiques différents, et bien plutôt selon les temps, ces grandes choses communes il les fait en s’unissant étroitement à l’État, en s’absorbant dans l’État, ou il les fait en s’unissant à des corporations, à des associations de citoyens, toutes, du reste, profondément et passionnément attachées à l’État et qui deviennent de l’État les membres solides et les os durs et bien engrenés. De l’une ou de l’autre façon, et de l’une et de l’autre façon le plus souvent, ces peuples pratiquent la sociocratie. Ils ont le sens de l’association, le sens de l’État, le sens social en un mot et le sens du peuple fort. Ils sont de grands peuples ; ils font de grandes choses. Ils conquièrent les autres ou dédaignent de les conquérir. Ils font