Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/39

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fait terrible en lui-même et tout le luxe de destruction, de désagrégation, de négation à cause d’une surabondance qu’il sent en lui capable de faire de chaque désert un pays fertile… Et ceux qui souffrent d’un appauvrissement de la vie demandent à l’art et à la philosophie le calme, le silence, une mer lisse — ou bien aussi l’ivresse, les convulsions, l’engourdissement, la folie. Et au double besoin de ceux-ci répond tout romantisme en art et en philosophie, et aussi tant Schopenhauer que Wagner, pour nommer ces deux romantismes les plus célèbres et les plus expressifs parmi ceux que j’interprétais mal alors, d’ailleurs, on en conviendra, nullement à leur désavantage[1]. »

Il est certain qu’on peut s’y tromper et que les surabondants et les dégénérés demandant absolument la même chose, il est difficile de savoir, à ce qu’ils demandent, à ce qu’on leur donne et à ce qu’ils acceptent, s’ils sont dégénérés ou surabondants, et si la tragédie grecque est signe de surabondance chez ceux qui l’acclament et si le drame de Wagner, qui lui ressemble trait pour trait, est signe de dégénérescence chez ceux qui l’applaudissent ; et donc l’erreur de Nietzsche était très facile.

  1. Gai Savoir, parag. 370. J’ai remanié le passage pour le rendre plus net, sans le trahir, je crois, aucunement.