Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/58

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tion fausse[1]. — « En quatrième lieu il inventa des tables du bien toujours nouvelles, les considérant, chacune pendant un certain temps, comme éternelles et absolues, en sorte que tantôt tel instinct humain, tantôt tel autre occupait la première place, ennobli par suite de cette appréciation » ; de sorte que la série même de ces morales successives était une erreur générale ou une confusion générale, qui restait dans le cerveau humain pour l’obscurcir ou pour empêcher au moins qu’il ne s’éclairât. À ces quatre erreurs initiales ou quasi initiales on pourrait en ajouter plusieurs autres. Qui s’étonnerait dès lors que l’homme vive dans l’erreur ou revienne toujours à l’erreur qui fut son berceau et qui devait l’être, qui ne pouvait pas ne pas l’être ? L’habitude est là, sans vouloir parler de l’hérédité ; l’habitude est là, qui conserve dans l’homme cultivé ce qui était naturel et nécessaire à l’homme primitif.

Et non pas seulement l’habitude. Songez au langage. Le langage est la prison de l’esprit. Il emprisonne la pensée des hommes d’aujourd’hui dans la pensée des hommes d’autrefois, puisqu’il ne permet aux hommes d’aujourd’hui d’exprimer leurs pensées que dans les mots des hommes d’autrefois ;

  1. Je suis moins sûr, ici, de l’interprétation.