Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/86

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pourra comprendre, pourra voir quelque chose comme différent de lui. Or c’est ce qu’il en est encore à ne pas faire, à ne pouvoir pas faire : « Nous ne faisons qu’opérer avec des choses qui n’existent pas, avec des lignes, des surfaces, des atomes, des temps divisibles, des espaces divisibles. Comment une interprétation serait-elle possible si de toute chose nous faisons d’abord une image, notre image ? Nous ne considérons encore la science que comme une humanisation des choses aussi fidèle que possible. En décrivant les choses et leur succession nous n’apprenons qu’à nous décrire nous-mêmes toujours plus exactement… »

Tant que l’homme ne verra et ne saura que lui-même et ne pourra, sous prétexte d’expliquer les choses, que les transformer en lui, il sera dominé par des religions ou des métaphysiques nées de sa faiblesse physique et entretenues par sa faiblesse morale.

Voyez, dans un exemple, la faiblesse inhérente aux croyances métaphysiques et la faiblesse qui en dérive. Les hommes ont très longtemps cru à l’immortalité de l’âme humaine. « Volonté de puissance », dira-t-on à Nietzsche, désir puissant et intense de vivre toujours et toujours davantage, rêve d’olympien ou d’être qui veut être olympien ! — Il est possible, répondrait Nietzsche, la volonté de puissance,