Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/88

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avons le droit de faire des expériences avec nous-mêmes. L’humanité tout entière en a même le droit. »

Parmi toutes ces religions et métaphysiques il en est une que Nietzsche poursuit d’une haine de dilection, et l’on peut même conjecturer que c’est à cause d’elle qu’il les déteste toutes, ce qui nous invite à le suivre attentivement sur ce terrain ; cette religion, c’est le Christianisme. Pour Nietzsche — et nous sommes ici dans les idées de Nietzsche qui me paraissent les plus justes en leur fond sinon dans toutes les conséquences qu’il en tire — pour Nietzsche le Christianisme n’est pas autre chose qu’un des avènements, et le plus considérable et le plus décisif, du plébéianisme ; et c’est pour cela qu’il y voit l’ennemi le plus odieux et le plus redoutable, éternel obstacle à ses idées générales. Le Christianisme est l’avènement du plébéianisme.

Il a été préparé par Socrate, par Platon qui, quelles que fussent, du reste, leurs idées politiques, ont habitué les esprits à considérer toutes choses au point de vue de la morale, sub specie ethices, et qu’ils ont accoutumés ainsi à mépriser et à nier le droit du fort, le droit du meilleur, et à vouloir que tous les hommes fussent soumis à une seule règle.