Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/91

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que, un désordre de sentiments et de jugements, une poussée et une exubérance des choses les plus dangereuses, telle fut la conséquence de tout cela et dans la suite un affaiblissement foncier de ces peuples barbares. »

Telle fut la nature première, la complexion première du Christianisme : douceur divinisée, faiblesse divinisée, humilité, soumission et platitude divinisées. De là les deux hostilités perpétuelles du Christianisme : hostilité à la vie, hostilité à l’art. Le Christianisme a eu de tout temps une répugnance rageuse et vindicative « à l’endroit de la vie elle-même »… Il fut « dès l’origine, essentiellement et radicalement, satiété de la vie et dégoût de la vie, sentiments qui seulement se déguisent et se dissimulent sous le travesti de la foi en une autre vie et en une vie meilleure », N’est-il pas évident que toute doctrine qui en appelle à une autre vie condamne cette vie présente ou s’en plaint et la maudit, invite ou à la quitter ou à désirer d’en sortir, ou à la réduire à son minimum ? De là, dans la doctrine chrétienne, éternellement la « haine du monde », l’« anathème aux passions, la peur de la beauté et de la volupté, un au-delà futur, inventé pour mieux dénigrer le présent, un fond, un désir de néant, de mort, de repos jusqu’au sabbat des sabbats. »