Page:Faguet - Histoire de la poésie française de la Renaissance au Romantisme tome 3, 1927.djvu/198

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Il est bien entendu que ce poète amoureux, par instants élégiaque et tragique, a surtout fait des madrigaux. Ses madrigaux sont comme tous les madrigaux de cette époque, comme ceux de Benserade (un peu moins hardis), comme ceux de Malleville (un peu moins prétentieux), comme ceux de Gombauld (un peu moins pompeux).

Il est à remarquer que Tristant aime les sujets excentriques. C’est ainsi qu’il va prendre pour sujet une pauvre fille qui mendiait à cette époque dans les rues de Paris et qui, paraît-il, était très belle. C’est ainsi qu’il fait un madrigal sur une négresse. De tels sujets plaisaient alors. Malleville aussi avait chanté La Belle Gueuse : il disait d’elle « Demander avec tant de charmes, c’est demander les armes à la main. Voici les vers de Tristan :


Ô que d’appas en ce visage
Plein de jeunesse et de beauté,
Qui semble trahir son langage
Et démentir sa pauvreté…
Ses yeux sont des saphirs qui brillent,
Ses cheveux blonds qui s’éparpillent
Font montre d’un riche trésor.
À quoi bon cette triste requête,
Si pour faire pleuvoir de l’or,
Elle n’a qu’à baisser la tête !

La Négresse de Tristan est assez curieuse, mais pas très pittoresque encore


Beau monstre de Nature, il est vrai, ton visage
Est noir au dernier point, mais beau parfaitement,
Et l’Ébène poli qui te sert d’ornement
Sur le plus blanc ivoire emporte l’avantage.

Ô merveille divine, inconnue à notre âge
Qu’un objet ténébreux luise si clairement
Et qu’un charbon éteint, brûle plus vivement
Que ceux qui de la flamme entretiennent l’usage,