Page:Faguet - La Tragédie française au XVIe siècle, 1894.djvu/186

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— 174 Toulouse. C’est comme étudiant en cette ville, que, montrant de bonne heure son goût pour la poésie, il publia ses premières œuvres poétiques, composées de chansons d’élégies, d’épitres et de sonnets sous ce titre : Plaintes amoureuses de Robert Garnier (1565) (1), Il remporta aux Jeux Floraux le prix de l'églantine. Ses études terminées, il fut nommé conseiller du roi au siège présidial et sénéchaussée du Maine, plus tard lieutenant général criminel au même siège. Sa réputation d’orateur fut grande, au dire de Lacroix du Maine, son ami. « Il eut l’occasion, dit cet » auteur, de prononcer devant les majestés de France et de » Navarre des harangues si doctes que cela l’a rendu tant aimé


(1)Je n’ai pu retrouver ce livre de Jeunesse malgré tous mes soins. Je ne connais de Garnier, en dehors de ses huit pièces dramatiques, qu’une élégie sur la mort de Ronsard, qui brille par une certaine facilité harmonieuse. Le lecteur sera peut-être bien aise d’en connaître quelque chose. En voici la fin : Oh ! tous êtes heureux et votre mort heureuse, O cygne des François. £i e lamentez que nous dont la vie ennuyeuse Meurt le jour mille fois. Vous errez maintenant aux campagnes d’Élise, A l’ombre des vergers, Où mûrit en tout temps assuré de la bise Le fruit des orangers. Où les prés sont toujours tapissés de verdure, Les vignes de raisins, Où les petits oiseaux gazouillent au murmure Des ruisseaux cristallins.

Là Ronsard se voit entouré de tous les poète3 de l’antiquité qui l’admirent à l’envi : Musée, Orphée, Virgile, Sénéque, l’amoureux Florentin (Arioste)... Tous vont battant des mains et sautant de liesse, S’entredisant entre eux : Voilà celui qui dompte et l’Itale et la Grèce En poèmes nombreux. L’un vous donne sa lyre et l’autre sa trompette ; L’autre veut vous donner Son myrte, son lierre et le laurier prophète, Pour vous en couronner. Ainsi vivez heureux, âme toute divine, Tandis que le destin Nous réserve au malheur de la France, voisine De sa dernière fin. Cette élégie est intéressante en ce qu’elle est probablement la dernière œuvre poétique que Garnier ait donnée au public. Elle a dû être écrite l’année de la mort de Ronsard (1585), et depuis 1580 Garnier s’était retiré du théâtre pour n’y plus revenir. Ronsard et Garnier avaient entretenu un commerce d’éloges et de compliments hyperboliques réciproques, comme c’était la mode du temps.