Page:Faguet - Le Libéralisme.djvu/135

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faire obéir des soldats, des policiers, des douaniers, des agents du fisc, des magistrats ; et avoir à côté de soi des hommes qui goavernent aussi, qui, à la vérité, n’ont pas un soldat, ni un douanier, ni un publicain, ni un policier, ni un magistrat ; mais qui se font obéir moralement d’un certain nombre d’hommes et qui même partagent avec le gouvernement ses soldats, policiers et autres, puisque, à certains égards, ils se font obéir de ceux-ci mêmes ; cela peut très difficilement se souffrir.

Rien ne limite l’Etat comme une Eglise ; car il est incontestable qu’elle limite le gouvernement lui-même, puisqu’elle partage avec lui.

Aussi, au fond, tout gouvernement est antireligieux, malgré les apparences quelquefois contraires. Les Romains, qui aimaient toutes les religions, ont détesté le christianisme furieusement, parce qu’il était une vraie religion, parce qu’il disait à l’Etat : « Ceci est à vous, les corps. Ceci est, non pas à moi, mais à eux, les âmes, et à moi s’ils me le donnent librement, » C’était une vraie religion. Toute religion qui ne dit pas cela est une décoration de l’Etat, quelque chose comme un maître des cérémonies et un ministre des pompes, non pas une religion. Elle ne proclame pas la liberté de la conscience morale et le droit qu’a l’homme d’avoir une âme à lui, une doctrine morale à lui et d’associer cette âme librement à d’autres âmes libres et de communier librement