Aller au contenu

Page:Faguet - Le Libéralisme.djvu/225

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’est à savoir le respect des minorités. C’est une affaire de mœurs parlementaires et de mœurs gouvernementales plutôt que de chiffres. Il devrait être entendu que toute opinion qui compte en France un nombre considérable de partisans a droit à de grands égards, à de grands ménagements et à ce qu’on ne fasse rien contre elle. Nous sommes en France quatre millions de protestants. Nous sommes une minorité. Il n’en faut pas conclure qu’il faut nous opprimer. Il faut en conclure, au contraire, que nous sommes une partie très importante de la nation française, et qu’il faut nous protéger contre les vexations privées ou locales qui peuvent nous atteindre, et que nous opprimer ou nous laisser opprimer serait de la part de la France aussi intelligent que se couper un bras. Louis XIV ne l’entend pas ainsi. Il a trop de souci de « l’unité morale » de la France. De nos jours tous les gens qui font partie du gouvernement ou de sa suite raisonnent comme Louis XIV.

Une minorité a des droits par cette bonne raison qu’après tout ce n’est que par patriotisme qu’elle n’émigre pas. Elle est mal vue dans son pays, elle n’a pas accès aux honneurs, elle n’a point part aux faveurs du pouvoir. Elle serait mieux ailleurs ; et elle n’émigre pas ; il faut lui tenir compte de cela. Rappelons-nous les principes d’où nous sommes partis au commencement de ce volume. Les grandes patries ne sont pas naturelles. Elles se sont