Page:Faguet - Le Libéralisme.djvu/266

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que sorte une fausse note. Cet homme ne domine pas ; mais il détonne. Il n’est pas contre l’égalité, mais il est contre l’uniformité qui est le signe et l’uniforme de l’égalité. — Et il peut être exemple. D’autres peuvent l’imiter, et, n’en doutez pas, ils formeraient une association, ce qui est le fléau de l’égalité. — En somme, il est de l’essence encore de l’égalité que tout homme, non seulement ne soit pas au-dessus de tout le monde, mais soit comme tout le monde. Défiez-vous de ceux qui usent un peu fortement, un peu apparemment, de leur liberté individuelle. Il se peut qu’ils soient de simples indépendants, ce qui, à la condition qu’on le soit isolément, est permis ; mais il se peut qu’ils soient des orgueilleux, des contempteurs. Or dans tout contempteur, dans tout orgueilleux il y a une belle graine d’aristocrate.

Ainsi même de la liberté qui lui est la plus inoffensive, même de la liberté qu’elle tolère le plus aisément, l’égalité a encore défiance, et une défiance qu’il serait difficile et qu’il serait irrationnel qu’elle n’eût point. L’égalité est l’ennemie-née de toute espèce de libertés, sans qu’il faille tout à fait en excepter une seule. Il n’y a rien pour moi qui soit plus certain ni plus évident.

Les rédacteurs des Déclarations des Droits de l’homme, qui ont fait une part si grande à la liberté et qui en ont fait une si petite à l’égalité, sont tombés dans une erreur qui est très commune. Ils ont