Page:Faguet - Le Libéralisme.djvu/300

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morales, religieuse, produisant des caractères, des tempéraments, des âmes différentes les unes des autres ; parce qu’un Romain ressemblait à un Romain, non pas exactement et à les confondre, mais beaucoup plus, mais incomparablement plus qu’un Français ne ressemble à un Français ou un Allemand à un Allemand ; pour ces raisons le Romain ne sentait pas ou ne sentait guère le besoin de liberté individuelle, ou de liberté d’enseignement, ou de liberté d’association, ou de liberté de la presse ; il pensait socialement, il croyait socialement, il agissait socialement ; et l’État lui était une religion ; et l’État, étant aimé et adoré, était fort, comme tout État aimé et adoré sera fort.

Depuis, la civilisation a marché un peu. Est-ce un bien ? est-ce un mal ? ce n’est pas le moment d’en délibérer ; mais c’est un fait qu’après le christianisme, qu’après le développement scientifique des xve, xvie xviie xviiie et xixe siècles, qu’après les développements philosophique et moral de la Réforme, qu’après le développement philosophique des xviiie et xixe siècles, dans toute nation il y a des tournures d’esprit, des états d’âme, des caractères essentiellement différents les uns des autres, des façons de penser, de sentir, de croire et en vérité des façons d’être, essentiellement diverses et même contraires. Or ces hommes si profondément différents les uns des autres, comment d’abord les faire vivre en paix dans le