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Page:Faguet - Le Libéralisme.djvu/307

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à l’Etat ce dont il a besoin, la pleine disposition de ma pensée et de mes actes et le libre déploiement de mon activité physique, intellectuelle et morale ; mais je le suis aussi par amour de mon pays, pour que mon pays soit hospitalier et habitable et pour que le gouvernement y soit aimé, y soit considéré non comme un maître exigeant, tracassier et impérieux, mais comme un simple gardien vigilant de la rue, du champ et de la frontière.

Je suis patriote certainement par amour de mon pays, de ses habitants qui sont mes frères, de ses mœurs, de ses traditions, de ses souvenirs, de ses beautés, de ses grandeurs et de ses gloires ; mais je le suis aussi parce que mon pays, s’il n’est pas du tout le pays des Droits de l’homme, est du moins celui qui les a proclamés ; et, profondément patriote pour tout ce qui me reste d’existence, dès que mon pays abandonne les principes de liberté, je sens que je le suis moins ; dès qu’il empiète sur des droits à moi que d’autres pays respectent, je sens, malgré moi-même, que je le suis moins ; dès que, dans l’intérêt de quelques ambitieux bornés entourés d’une clientèle avide, il me gêne, m’inquiète et me froisse sans aucun profit pour l’intérêt général et au détriment de l’intérêt général, je sens que je le suis moins ; et je comprends qu’un homme plus jeune, moins attaché au pays par les liens de l’habitude, puisse arriver assez vite à ne l’être pas du tout.