Page:Faguet - Le Libéralisme.djvu/338

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À ce compte, la France deviendrait gouvernement collectiviste, avec proscription de toute espèce de liberté, athéisme obligatoire, et communauté des biens et des femmes, les progressistes diraient : « C’est fâcheux ; mais c’est acquis. Ne revenons pas là-dessus. Pas de mouvement en arrière. Mais, par exemple, n’allons pas plus loin. »

Ajoutez à cela ce qui en est, du reste, une conséquence et ce qui est une forme du même tour de caractère : une répugnance presque invincible à renverser un ministère, quel qu’il soit. Lui aussi existe, lui aussi est acquis. Deux fois, trois fois peut-être, au cours du ministère Waldeck-Rousseau, les progressistes ont pu renverser le ministère Waldeck-Rousseau, seulement en s’abstenant de voter. Deux fois, trois fois peut-être, ils l’ont sauvé, en votant pour lui. En général ils ne votaient contre lui que quand ils étaient bien sûrs qu’il n’en aurait pas moins la majorité. Ils votaient contre lui pour le désapprouver, mais non point pour l’empêcher de nuire, ni surtout pour l’empêcher d’être. Ils ne votaient contre lui que quand leur vote devait être de nul effet ; mais quand leur épée pouvait faire du mal, non seulement ils ne la tiraient pas, mais ils couraient au secours de leur adversaire. Cela quelques mois avant les élections. Un gouvernement ne peut pas avoir de compétiteurs plus utiles, d’adversaires plus officieux, ni d’ennemis plus dévoués.