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l’Etat ; le cerveau de ce corps c’est le gouvernement.

L’état rationnel de la société, c’est donc l’esclavage ; mais non pas l’esclavage social tel que l’Antiquité et l’Amérique l’ont connu ; mais l’esclavage physiologique. Nous devons obéir, non pas comme l’esclave à son maître, mais bien comme le bras, la main, la jambe, le pied, obéissent au cerveau qui leur commande et qui les dirige. Vous vous croyez un homme ; vous êtes un pied. Vous avez, si vous voulez, la compensation et la consolation qui consiste à vous dire que cependant, si vous n’existiez pas, le cerveau ne pourrait rien faire et qu’il vous doit de la reconnaissance, autant qu’on en doit à un bon outil. Quant à de l’indépendance, c’est un non-sens que de prétendre en avoir ou en exiger ou en demander. Une goutte de sève révoltée, ce serait une haute bouffonnerie.

Cette politique zoologique[1] compte parmi ses adeptes à peu près tous les grands sociologues du XIXe siècle. Elle me paraît un peu hasardée et n’être qu’une comparaison qu’on a voulu prendre pour une parité. Le premier métaphoriste qui a dit : « le corps social », ne croyait pas qu’il eût fondé une sociologie. Il était pourtant sociologue sans le

  1. Qu’on trouvera exposée (non approuvée) dans tout son détail, avec analyses des principaux théoriciens qui l’ont soutenue, dans l’admirable livre de Vareilles-Sommières : Principes fondamentaux du droit.