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Page:Faguet - Le Libéralisme.djvu/63

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Quand il a été fait, sentiment de sécurité, sentiment de reconnaissance, sentiment de gloire, ont rendu Prussiens et Berlinois des gens qui avaient naturellement l’horreur de la Prusse et de Berlin ; et d’instinct individualiste et d’instinct libéral il ne faut pas croire qu’on en entendra parler d’ici longtemps dans ce pays-là.

De même notre patrie à nous a été faite par l’Angleterre. Le mot de Lamartine n’est vrai qu’à moitié :

C’est la cendre des morts qui créa la patrie.

Il est vrai de la petite patrie, de la tribu, du clan. De la grande patrie, point du tout. C’est l’étranger gênant qui créa la patrie.

Ainsi les grands États se sont créés les uns les autres, chacun se créant lui-même, sans doute, pour résister, mais créant bien plus encore son voisin, par la terreur qu’il lui inspirait ; et il en est résulté pour chaque pouvoir central de chaque grand État, une force immense, parce qu’on ne savait plus, dans la reconnaissance qu’on avait pour lui et dans la confiance qu’on avait en lui, ce qu’on lui devait, ce qu’il fallait lui donner, lui accorder, lui abandonner. C’était bien simple : il fallait lui donner en raison de sa fonction ; et puisqu’il n’existait que pour la défense, lui donner tout ce qui lui était nécessaire pour la défense et rien de plus. Mais les peuples ne raisonnent pas