Page:Faguet - Le Libéralisme.djvu/46

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Si j’en use très vite, à peine menacé, avec empressement, avec un secret contentement que l’homme que je n’aime pas m’ait donné l’occasion, par une légère menace, de me débarrasser de lui, je ne suis pas un honnête homme, on dit de moi : « Il n’avait pas le droit d’user de son droit. » Je n’ai pas dépassé mon droit, mais je suis sorti de l’honnêteté.

De même l’État qui, parce qu’il est impossible de lui contester sérieusement qu’il ait tous les droits, use de ceux qui ne lui sont pas formellement consentis par les nécessités mêmes de sa mission. Cet État ne dépasse pas son droit, si l’on veut ; mais il sort de sa limite naturelle, il se donne une satisfaction qui peut être désagréable, pénible, offensante ou dure à autrui, au lieu de se réduire à faire son métier et son devoir. Il n’est pas sorti de son droit ; mais il est un État malhonnête homme. « Il n’avait pas le droit d’user de son droit. »

Car, remarquez-le, pour ne pas sortir encore de ce point de vue moral, remarquez-le, est-ce que l’État, avant tout, s’il savait faire son examen de conscience, ne devrait pas se dire qu’il est un mal ? Il en est un très précisément, puisqu’il est un remède. Un remède est un petit mal qu’on invente pour se débarrasser d’un plus grand. L’État est un mal que l’humanité a inventé pour conjurer les dangers de la combativité humaine ; mais certainement il est un mal. Il gêne l’individu, il l’entrave,