Page:Faguet - Le Libéralisme.djvu/77

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la police. Toute suspendue à l’espérance de l’avancement, et l’avancement dépendant du gouvernement seul, d’autre part toujours menacée d’une « épuration » générale, la magistrature n’a intérêt qu’à obéir, et le plus souvent elle obéit. Quand elle n’obéit pas, il y a une stupéfaction générale et une réclamation à peu près générale aussi d’une « épuration » nouvelle. En 1902, un tribunal de province acquitta un Jésuite qui avait commis le délit de prêcher. Le gouvernement prétendait, par l’organe du ministère public, que la loi contre les congrégations enlevait à un Jésuite le droit de prêcher. Le tribunal jugea que la loi contre les congrégations enlevait au Jésuite le droit de vivre en congrégation, mais non pas son caractère de prêtre catholique et son droit de monter en chaire. Le gouvernement en appela. La Cour de Paris ratifia la sentence des premiers juges. Il y eut surprise universelle, et dès le lendemain, dans tous les journaux du gouvernement, et le surlendemain dans plusieurs conseils généraux, le vœu et presque la sommation qu’une nouvelle épuration de la magistrature fût faite immédiatement. En effet, un gouvernement qui ne peut pas, d’une part, empêcher lui-même un Jésuite de prêcher et qui ne peut pas, d’autre part, obtenir de ses juges qu’ils l’empêchent de prêcher, cela se peut-il souffrir ? Il prêchera donc ? Oui. C’est épouvantable. Le gouvernement est désarmé.