Page:Faguet - Le Pacifisme.djvu/109

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soit un sommeil. Entre les deux il y a le travail sain, l’effort sain, la lutte, parfois même trop acharnée encore. Loin que la paix soit endormante, il faudrait qu’elle même devînt plus pacifique et se rapprochât davantage de la fraternité.

Ne craignez donc pas pour les peuples une somnolence et une léthargie maladives. Il n’y a pas de peuple plus pacifique et, relativement, plus sûr de rester en état de paix que la Belgique. Il n’y en a pas, ou il y en a peu, qui soit plus laborieux et qui soit moins endormi.

Ces souvenirs classiques des « délices de Capoue » et des Romains, aussi, s’alanguissant dans les loisirs de leur triomphe et se corrompant dans le silence et la prostration du monde vaincu, hantent seulement des cervelles peu meublées. Annibal ne s’amollit point, ni ses troupes ; il était épuisé, comme son adversaire, et ni l’un ni l’autre, pour un temps, ne pouvait marcher à l’ennemi. Les Romains ne s’amollirent point dans la paix. Ils furent numériquement plus faibles, à un moment donné, que l’énorme marée de peuples, plutôt que d’armées, qui battait de tous côtés leurs frontières. Ils furent engloutis plutôt que conquis. On ne résiste pas à un phénomène physique, comparable et presque identique à un déplacement de l’Océan. L’Empire romain n’a pas été, à proprement parler,