Page:Faguet - Le Pacifisme.djvu/98

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quérir un peuple parce qu’on le déteste, c’est épouser une femme parce qu’on a de l’antipathie pour elle. C’est vouloir souffrir. Il est curieux comme la volonté de puissance est au fond une volonté de souffrance.

Peut-être cela est-il vrai de toutes les volontés de puissance, de la volonté de puissance sous toutes ses formes. Qui sait si l’ambition n’est pas en son fond le désir de n’avoir pas un moment de repos et de se créer des tourments incessants et abominables ? — En tout cas, cela n’a pas le sens commun.

Il y a un autre cas. C’est celui où un peuple en déteste un autre parce qu’il en a souffert. Il y a eu autrefois des guerres entre le peuple A et le peuple B. On s’en souvient des deux côtés. On a des souvenirs historiques qui sont des rancunes et des ressentiments. On se bat parce qu’on s’est battu. C’est le cas le plus commun. Cela se comprend mieux ; c’est moins absurde que ce que nous considérions tout à l’heure. Cependant ce n’est pas très sensé. Pourquoi serions-nous héritiers à ce point de sottises de nos pères ? Pourquoi une solidarité si étroite entre les pères et les fils dans leurs folies ? La guerre ethnique, c’est la vendetta. La vendetta est une absurdité. Elle consiste à éterniser une querelle de père en fils parce qu’elle a eu lieu