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LE THÉATRE CONTEMPORAIN

raison. Je crois seulement qu’il serait bon désormais, et l’épreuve étant faite, de retrancher la tragédie de Racine. Elle fait un peu tort à la musique. Elle ne s’en inspire pas du tout. Elle n’en reproduit pas le caractère. Elle fait dissonnance avec elle. Elle n’en a pas la gaité facile, l’entrain, la verve joyeuse. Elle ne donne jamais l’impression d’un allegro militaire. Elle gâterait Mendelssohn si elle était écoutée. Il est vrai qu’on l’écoute si peu ! Encore un peu trop peut-être. C’est désormais un surcroît inutile au moins qu’il faut élaguer.

Si nous voulons bien encore nous en occuper, par tradition ou convenance, nous dirons qu’elle a été jouée d’une manière qui fait beaucoup d’honneur à l’Odéon. Je ne crois pas qu’Athalie fût mieux jouée nulle part ailleurs, sauf si Mounet-Sully se mettait un jour en tète de nous donner Joad, ce que, pour ma part, je souhaite ardemment. Athalie est jouée à l’Odéon avec conscience, correction et talent.

C’est Albert Lambert qui joue Joad. Je ne vais point, n’est-ce pas, m’étonner de n’avoir pas trouvé en lui l’idéal de Joad. Joad est un des rôles les plus terribles de la scène française. C’est un personnage si grand et si complexe qu’on n’en a jamais fini avec lui. Il est bon, il est tendre, il est perfide, il est féroce, il est mystique, il est illuminé, il est habile. C’est un prêtre, un père, un soldat et un conspirateur. 11 faudrait rendre quelque chose de tout cela. Ce n’est pas commode. M. Albert Lambert a fait la part du