Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/127

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moralistes et en nous plaçant au point de vue du bonheur général ou au point de vue de la loi morale et de l’idéal. Sans doute c’est bien ce que nous faisons ; mais en même temps et du même coup nous nous plaçons très bien à leur point de vue, au point de vue de leurs intérêts, et nous leur disons : « Être forts ; pourquoi ? Pour dominer ? Dominer ; pourquoi ? Pour jouir ? Soit ; mais nous vous avertissons que vous ne jouirez pas du tout. »

C’est donc une sottise, une simple illusion que de croire au bonheur de l’injuste. Dès lors le grief contre les dieux s’évanouit.

Du reste l’argument tiré du mal sur la terre ne vaudrait que si nous étions absolument sûrs que tout pour l’homme finît ici-bas. Or il n’est pas sûr, mais il est très probable que, comme les hommes l’ont toujours cru, l’âme est immortelle et que la Divinité punit et récompense au delà de la tombe. Il est probable que ce que l’on appelle la vie humaine n’est qu’un moment de la vie humaine et par conséquent, fût-il vrai que le juste fût victime et que l’injuste fût heureux, tout se compense pour l’un et pour l’autre, au cours des existences successives auxquelles l’un et l’autre sont appelés.

Il est donc très faux ou très hasardé et c’est une impiété, c’est un quasi-athéisme équivalant à l’a-